Depuis la Libération, la carrière de Claude Luter se confond avec plus de cinquante années d’histoire du très grand jazz français.

Mythique St Germain des Près

Jean-Paul Sartre, Raymond Queneau, Boris Vian, Simone de Beauvoir ont fait de Saint-Germain-des-Prés un lieu « branché » et le symbole de toute une génération qui voulait vivre intensément. C’est dans ce quartier qu’est née la mode des « caves à jazz ». Le Lorientais était l’une de ces caves Rive Gauche où le mouvement existentialiste a vu le jour, bientôt exporté dans le monde entier. Claude Luter y passait alors, en musicien amateur, le meilleur de son temps. L’enthousiasme de sa musique, et la ferveur qui l’habitait déjà, feront rapidement de lui un clarinettiste professionnel et l’un des acteurs essentiels de Saint-Germain-des-Prés. De cette époque mythique, naîtront des amitiés fortes et durables entre Claude Luter, Pierre et Jacques Prévert, Boris Vian, Juliette Gréco, Yves Montand, Les Frères Jacques, etc.

Musique… on tourne !!!!

Séduit par la folle jeunesse de Saint-Germain-des-Prés, Jacques Becker y tournera « Rendez-vous de Juillet » en 1949, situant de nombreuses séquences de son film culte dans la cave du Lorientais. Aux côtés de Rex Stewart, Claude Luter, sa fougue, son plaisir évident de jazzer symbolisent déjà l’esprit musical du quartier latin. L’âme du jazz parisien vient de naître aux sons de la clarinette de Claude Luter. Dans la foulée de sa participation à ce film, Claude Luter tournera en 1945 avec Viviane Romance « L’Inspecteur connaît la musique »

Les copains d’abord…

Fini de jouer en nomade ! Claude Luter et ses copains ont jeté l’ancre au Lorientais, bientôt rejoints par d’autres mordus du jazz New-Orléans. Avec deux cornets, trombone, piano, banjo, basse, batterie et la clarinette de Claude Luter, le groupeoriginel est absorbé dans une nouvelle formation inspirée de King Oliver et adepte des célèbres improvisations collectives de ce pionnier. C’est le début de la notoriété : en 1948, Claude Luter et son orchestre représentent le jazz français au festival de Nice. Aux premiers disques, réalisés à titre privé et vendus aux amateurs du Lorientais, succède un contrat avec « Swing » en 1947. Les choses viennent de prendre un tour sérieux, les enregistrements de disque s’enchaînent pour Claude Luter et sa formation.

Le temps des idoles

L’admiration qu’il porte à Johnny Dodds, sera pour Claude Luter la première influence marquante d’une carrière toute entière soumise à de très fortes amitiés musicales. Dans la majorité des cas, elles auront l’occasion de se réaliser à travers de jam-sessions, les plus grands jazzmen mondiaux venant au Lorientais retrouver une partie de leur propre jeunesse. Concrétisant ses plus beaux rêves, Claude Luter rencontre les musiciens qui ont bercé son adolescence (Louis Armstrong, Duke Ellington, Cab Calloway, Sammy Price, Jack Teagarden, etc), les chanteuses et chanteurs qu’il admire (Big Billy Bronzy, Ella Fitzgerald…). Il accompagne Sidney Bechet au cours du Festival de Jazz de Paris (1949). Cette rencontre déterminante marquera le début d’une amitié indéfectible, jalonnée de fameuses « jam-sessions » avec Stéphane Grappelli, Jerry Mulligan, Earl Hines, Tommy Dorsey, Albert Nicholas, Lionel Hampton, Kenny Clarke, etc.

BECKET… et le Vieux Colombier

En 1949, le club parisien du Vieux Colombier fait appel à Claude Luter pour son ouverture. Claude Luter s’y installe et, après son triomphe au Festival de Jazz de Nice, Sidney Bechet le rejoint. Au contact permanent d’un virtuose de la trempe de Bechet, Claude Luter et ses musiciens entreprennent ensemble d’innombrables tournées françaises, puis européennes. Chacun de leur concert est un triomphe. Leurs disques sont des best-sellers : « Les Oignons » et « Petite fleur » titres restés célèbres entre tous se sont vendus à un million d’exemplaires chacun.

Leur réputation est alors bien assise. Malgré la mort de Sidney Bechet rien n’arrêtera plus l’ascension de Claude Luter et de ses musiciens, qui seront mêmes invités à jouer en URSS à l’occasion de l’Exposition Française de Moscou. Cette période est marquée par le début de fortes amitiés, notamment avec Raymond Devos, Pierre Tchernia, Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret, Jacques Fabri, Pierre Mondy … comme plus tard avec Frédéric Dard et Georges Simenon. Claude Luter poursuit par ailleurs une carrière qui lui est propre et, le 14 octobre 1949, il enregistre les premiers disques pour Vogue. Leur nombre et leur succès iront croissant, jusqu ‘à constituer une discographie impressionnante par la qualité et le nombre de ses références, avec notamment des enregistrements de Barney Bigard, Willie The Lion Smith, Buck Clayton, Wallace Bishop, Jacques Gauthé, etc… et bien sûr avec Sidney Bechet. Claude Luter a toujours su s’entourer des meilleurs musiciens partageant ses conceptions musicales. Avec son pianiste attitré, Yannick Singéry, il a 35 années durant et jusqu’au décès de celui-ci en 1995, noué un partenariat artistique autant qu’amical. En 1996, sous le label « CCC Records » un CD « live » réunira les musiciens de la formation actuelle en concert.

Un musicien original et créatif

Considéré comme le clarinettiste et le chef d’orchestre le plus proche de la tradition de la Nouvelle Orléans, Claude Luter, par sa fougue, son enthousiasme flamboyant, son inspiration et sa sincérité, est l’un des rares jazzmen non américains à être entré au Panthéon des musiciens de renommée mondiale. Durant toutes ces années, des tournées incessantes l’ont conduit en France, en Europe, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, et dans tous les grands festivals où il apporte le parfum inoubliable de la musique qui lui est chère. Il s’est produit sur les scènes françaises les plus renommées, nouant des collaborations avec des artistes tels que Georges Brassens (à Bobino)… Invité des musiciens qui aiment à reconnaître son talent, qu’il s’agisse hier de l’invitation de Louis Armstrong à la fête donnée pour son soixante dixième anniversaire, d’Oscar Peterson ou aujourd’hui d’une autre invitation personnelle émanant du cinéaste clarinettiste qu’est Woody Allen, de passage à l’Olympia. Avec Woody ALLEN Claude Luter participe également au Festival de Jazz de la Nouvelle-Orléans, enchaîne les enregistrements discographiques, les productions TV (nombreux shows avec Jean-Christophe Averty : participation aux émissions de J. Chancel, G. Lux, M. Drucker, J. M. Cavada, etc…), se produit dans les principaux festivals européens, sans délaisser pour autant les scènes françaises. Compositeur fécond et inspiré, Claude Luter recrée aussi des thèmes classiques du jazz, sans aucune servilité imitative et dans le respect de la tradition du genre. D’une vitalité et d’une jeunesse sans faille, toujours fidèle à l’idéal qui régit sa vie, Claude Luter demeure l’exemple d’un musicien original et créatif qui a incarné les grands moments du jazz français.Comme ses propres maîtres l’ont fait pour lui, Claude Luter a communiqué son amour du jazz à de nombreux jeunes musiciens qui reconnaissent son influence prépondérante sur le développement de leur personnalité musicale. Depuis 2001, Eric LUTER épaulait son père dans l’orchestre de ce dernier. Au décès de Claude fin 2006, Eric prend la direction de la formation où l’on retrouve Benny VASSEUR, Lou LAUPRETE, Michel & Alain MARCHETEAU où se joignent des invités tels que Maxim SAURY, Marc LAFERRIERE et Christian MORIN entre autres.

 

Aujourd’hui l’Orchestre Luter for ever se compose comme suit :

Eric LUTER trompette, chant & direction

Jean-Pierre DUMONTIER trombone

Michel MARCHETEAU tuba

Lou LAUPRETE piano

Alain MARCHETEAU banjo

Fabrice ZAMMARCHI clarinette & sax soprano

Fred GUITTON clarinette